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L’Alberta n’aura pas besoin de traduire ses lois

Fin d’une saga constitutionnelle pour les deux Albertains francophones qui ont contesté des contraventions unilingues anglaises pendant douze ans : la Cour suprême du Canada a confirmé la validité des lois écrites en anglais seulement pour l’Alberta.

publié le 20 novembre 2015 , mis à jour le 23 mai 2019

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D’une contravention unilingue à un débat constitutionnel

En 2003, Gilles Caron, un francophone originaire de l’Alberta, reçoit un constat d’infraction (contravention) routière rédigé en anglais. Il la conteste parce qu’elle est en anglais seulement. Il demande que la loi provinciale qui encadre les infractions routières, qui existe uniquement en anglais, soit disponible en français.

 

Pierre Boutet, un autre Albertain francophone, reçoit lui aussi un constat d’infraction en vertu de la même loi, et se joint à sa demande. C’est le début d’une affaire constitutionnelle qui remet en cause le caractère unilingue des lois de l’Alberta.

 

Arguments des parties

M. Caron et M. Boutet contestent la loi provinciale sur la circulation routière en Alberta, car elle existe uniquement en anglais. Selon eux, l’Alberta doit voter ses lois à la fois en français et en anglais, une obligation historique et constitutionnelle qui existerait depuis la création de la province en 1905.

 

M. Caron et M. Boutet ajoutent que la Loi linguistique de l’Alberta, qui donne le droit à la province d’adopter ses lois en anglais uniquement, n’est pas valide, car elle ne respecte pas l’historique juridique et constitutionnel de la province.

 

Pour toutes ces raisons, ils demandent d’être acquittés de l’infraction routière dont ils sont accusés.

 

Le gouvernement de l’Alberta affirme plutôt que la province n’a jamais eu l’obligation de créer des lois dans les deux langues, car au moment où l’Alberta s’est jointe à la Confédération canadienne, la Loi constitutionnelle de 1867 donnait au Parlement canadien le pouvoir de gérer cette nouvelle province, en tenant compte des droits déjà existants. Or, au moment de la création de l’Alberta, il n’y avait aucune indication particulière sur les droits linguistiques des francophones, y compris sur l’obligation d’adopter des lois bilingues. Ainsi, le gouvernement de l’Alberta prétend que toutes les lois unilingues actuellement en vigueur sont valides, incluant celles qui sont contestées par M. Caron et M. Boutet.

 

Décision de la Cour suprême du Canada

La question posée à la Cour suprême du Canada était de savoir si la loi provinciale de l’Alberta, rédigée uniquement en anglais, est valide ou non. Plus précisément, le plus haut tribunal du pays devait décider si l’Alberta a bel et bien une obligation historique et constitutionnelle d’adopter ses lois en français et en anglais, comme le prétendent M. Caron et M. Boutet.

 

Dans sa décision du 20 novembre 2015, la Cour suprême du Canada rejette l’appel de M. Caron et de M. Boutet. La Cour est claire : les provinces et les territoires ont la liberté de choisir dans quelle langue adopter et imprimer leurs lois, à moins que le bilinguisme ne leur soit imposé de manière très claire dans une loi constitutionnelle. Dans le cas de l’Alberta, aucun texte constitutionnel n’exige l’adoption de lois bilingues.

 

En conséquence de cette décision, toutes les lois de l’Alberta demeurent valides : la province ne sera pas obligée de les traduire pour respecter la loi. Cela signifie également que la Loi linguistique de l'Alberta, contestée par les deux Franco-Albertains, est bel et bien valide en permettant à l’Alberta d’adopter ses lois uniquement en anglais.

 

Historique des droits linguistiques

En 1988, la Cour suprême du Canada, dans la décision R c Mercure (une cause de la Saskatchewan), a conclu que les accusés pouvaient s’exprimer en français devant les tribunaux et se défendre en utilisant la version française des lois. Les lois de la Saskatchewan devaient être écrites en anglais et en français, car la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest (adoptée en 1877) demeurait en vigueur et n’avait pas été modifiée par le Parlement. À la suite de cette décision, l’Alberta a adopté la Loi linguistique, permettant à la province de créer des lois en anglais seulement.